Tandis que les scientifiques s'efforcent de trouver des réponses à l'épidémie moderne que représentent les problèmes de santé liés à l'obésité, ils sont en train de découvrir un système complexe situé dans le cerveau qui joue un rôle important dans la mauvaise qualité de vie et l'augmentation spectaculaire des coûts des soins de santé qui sont les conséquences de cette épidémie. 

La revue médicale Obesity a consacré tout un numéro aux découvertes récentes concernant le rôle du cerveau dans le développement de l'obésité. Je vais vous parler des découvertes principales ayant aujourd’hui le plus grand impact. 

Cerveau et appétit

Les mécanismes du cerveau sont à l’origine des états de perte d'appétit (anorexie) et d'appétit excessif. Bien qu’opposés à première vue, ces deux états ont pourtant de nombreux points communs. Les deux sont dus à des modifications des mécanismes de contrôle centraux qui entretiennent la perturbation de l'appétit et entraînent également les complications métaboliques que sont la dangereuse perte de poids dans le cas de l'anorexie et l'obésité et la résistance à l'insuline. 

Le cerveau est le chef d’orchestre qui coordonne les changements d'appétit nécessaires à maintenir notre équilibre nutritionnel. Cela est logique car le cerveau est l'organe le plus actif du corps sur le plan métabolique et nécessite environ 40 % de la nutrition requise pour fonctionner correctement. Il se bat pour survivre.

Les cellules cérébrales, réparties dans l'ensemble du cerveau mais très concentrées dans certaines zones spécifiques, sont capables d’évaluer l'état nutritionnel et de transmettre cette information à d'autres parties du cerveau pour régler le métabolisme et l'appétit. Les scientifiques découvrent actuellement la façon dont le cerveau intègre les informations sur les changements de disponibilité des nutriments à court terme dans le contexte de l'état énergétique à long terme. Ils ont par exemple constaté que le même signal peut provoquer des réponses différentes dans le cerveau en fonction de l’état nutritionnel et de la sensibilité à l'insuline. Si la nourriture est abondante et bien traitée, le cerveau peut répondre à ce signal par un sentiment de satiété. Si, à l’inverse, une personne est affamée ou résiste à l'insuline, le même signal provenant des cellules cérébrales est interprété tout à fait différemment et peut conduire à un sentiment de faim intense et à un métabolisme plus lent. En cas d’anorexie ou d’obésité, la réponse au signal est brouillée. 

L'objectif thérapeutique en cas d'anorexie ou d'obésité est d'aider à rétablir l'interprétation par le cerveau des signaux affectant le contrôle de l'appétit pour les réinitialiser afin de retrouver un poids et un métabolisme idéaux.

Cerveau, nutrition et équilibre calorique :

Le numéro d’Obesity fait état d’études présentées lors d’une conférence ayant rassemblé soixante-dix scientifiques du monde entier en Suisse pendant une semaine. Le programme était intitulé « Tous les chemins mènent au cerveau : le contrôle neuronal de l'homéostasie énergétique dans la santé et la maladie ». L'objectif était de réunir ces scientifiques afin qu'ils puissent partager leurs connaissances et donner leur point de vue sur la façon dont le cerveau contrôle l'alimentation et l'équilibre calorique. De nombreuses découvertes importantes ont été présentées. Voici celles qui m’ont semblé les plus intéressantes :

  • Les hommes et les femmes présentent des différences dans les zones du cerveau contrôlant l'appétit et le métabolisme. Il est intéressant de noter que bien que l'obésité touche à la fois les hommes et les femmes, les femmes en phase de pré-ménopause ont moins de diabète, d'hypertension artérielle et d'autres complications liées à l'obésité que l'homme. Ainsi, les effets de l'obésité sont différents chez les hommes et chez les femmes. Les récepteurs des œstrogènes situés dans l'hypothalamus protègent les femmes contre les complications métaboliques liées à l'obésité. Après la ménopause, il existe une forte augmentation de l'obésité et de ses complications chez les femmes. Avec la baisse du nombre d’œstrogènes après la ménopause, leur effet protecteur disparaît. Pour contrer cette perte de protection des œstrogènes il faut faire appel à des mécanismes de secours contrôlant l'appétit et le métabolisme chez les femmes ménopausées (voir les commentaires ci-dessous).
  • L'hormone intestinale du glucagon-like peptide-1 (GLP-1) semble être le peptide gastro-intestinal le plus important en raison de ses effets uniques permettant de démultiplier les effets de l'insuline ainsi que ceux d'une multitude d'autres effets qui donnent au bout du compte un fort sentiment de satiété.
  • Le système endocannabinoïde du cerveau (ECS) désigne les interactions complexes contrôlées par nos composés internes qui imitent les effets des cannabinoïdes externes tels que les composés de la marijuana et du chanvre. Toute altération des signaux ECS favorise le développement de l'obésité, de la résistance à l'insuline et de l’élévation du taux de lipides sanguins. La correction de cette perturbation est une essentielle dans la lutte contre l'obésité et les troubles métaboliques.

Soutien nutritionnel :

J’ai remarqué que de nombreux scientifiques sont très doués pour décrire des points, mais moins doués pour les relier. Je vais vous expliquer ce que je retiens principalement des études mentionnées ci-dessus et faire quelques recommandations pratiques. 

Les femmes post-ménopausées ont besoin d’aide pour contrer la baisse de leur nombre d’œstrogènes. Par exemple, il faut améliorer le microbiome intestinal, améliorer la sensibilité à l'insuline, manger plus de légumes crus et utiliser de l'acide linoléique conjugué (en particulier le Tonalin). Une étude a montré que des femmes ayant consommé du lactobacillus rhamnosus ont perdu deux fois plus de poids après 12 semaines par rapport à un groupe ayant pris un placebo, le test est resté sans effet sur les hommes. Ce résultat est plutôt inattendu mais il indique que les femmes peuvent être plus sensibles aux altérations de la flore intestinale et à leur effet sur la sensibilité à l’insuline et sur l’appétit. Les recommandations visant à améliorer la sensibilité à l'insuline et à manger plus de légumes crus (en particulier des légumes verts) reposent également sur des études récentes montrant que les femmes répondent mieux à ce type de sollicitation. Enfin, l'acide linoléique conjugué sous forme de Tonalin a obtenu ses meilleurs chez les femmes ménopausées (dosage typique de 1 000 mg trois fois par jour). D'autres formes de CLA n'ont tout simplement pas obtenu de résultats probants. Les avantages du Tonalin sont peut-être dus à son influence de régulation unique et diverse,  comme ses effets sur le système endocannabinoïde chez les femmes (voir ci-dessous).

En ce qui concerne le GLP-1, j'ai déjà souligné l'énorme capacité qu’a la matrice de fibres alimentaires connue sous le nom de PGX  à augmenter la formation et la sécrétion de GLP-1. La fibre PGX est la fibre la plus visqueuse et soluble jamais découverte. Il a été démontré qu’elle entraînait une augmentation significative du GLP-1. Cette hormone est sécrétée par des cellules spécialisées appelées cellules L dans l'intestin grêle et dans le côlon en réponse à a consommation d’aliments. La fibre PGX entraîne non seulement des impulsions de libération de GLP-1 dans le flux sanguin au fur et à mesure qu'il passe dans l'ensemble du tube digestif mais il a également été démontré qu'elle augmentait le nombre de cellules L dans le tube digestif. Ce mécanisme explique l'effet prolongé de la fibre PGX sur le sentiment de satiété. La whey protéine, l'apport élevé en fibres  et les légumes à feuilles vertes sont d'autres aliments favorisant la sécrétion de GLP-1.

Enfin, en ce qui concerne le système endocannabinoïde, gardez à l'esprit qu'il s'agit d'un système cérébral à base de lipides. Cela signifie qu'il repose en grande partie sur les influences des graisses. Les graisses alimentaires sont absolument essentielles pour que ce système fonctionne correctement. Il faut en particulier que les graisses monoinsaturées des noix, des graines, de l'huile d'olive et des avocats fonctionnent correctement. Il semble également totalement dépendant des acids gras méga-3 à longue chaîne présents dans les poissons d'eau froide comme le saumon ainsi que dans les compléments à base d'huile de poisson (prendre 1 000 à 3 000 mg d'AEP et d’ADH par jour). L'acide linoléique conjugué peut également être un facteur, en particulier chez les femmes ménopausées.

Référence :

Westerterp-Plantenga M (ed.). All Roads Lead to the Brain. Obesity 2016:40(2).